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INTRODUCTION.

En ce cas, les derniers sont encore l’œuvre des meuniers, ou, le plus souvent, des tailleurs. Le caractère particulier du tailleur est la causticité et la raillerie ; « son oreille est longue, dit le proverbe breton, son œil nuit et jour ouvert, et sa langue aiguë. » Rien ne lui échappe : il chansonne impartialement tout le monde, disant en vers ce qu’il ne pourrait dire en prose. Cela le fait souvent comparer au barbier breton qui, ayant découvert un jour que son maître avait des oreilles de cheval, comme le roi Midas, alla couper, sur la grève, un roseau dont il fit une flûte, pour répandre en tout lieu la nouvelle. Les chants du tailleur sont souvent des satires lors même qu’elles semblent l’être moins. Toute leur valeur, comme celle des ballades, dépend de leur actualité. Le tailleur est au courant de toutes les intrigues secrètes. Il surprend parfois les amours au coin des bois, le soir en revenant chez lui, et se donne le malin plaisir d’en effeuiller la fleur.

On en peut dire autant du meunier et du pillaouer ; ils mériteraient donc assez le reproche que Taliésin adressait à certains chanteurs populaires de son temps : toutefois, s’ils raillent la conduite du prochain, on peut leur rendre cette justice qu’ils ne calomnient jamais.

Les chansons d’amour, quand elles n’ont pas pour auteurs les jeunes filles mêmes qui ont aimé, sont en général l’œuvre des kloer, qui y figurent aussi le plus souvent comme acteurs et comme poëtes. Cette poésie intime, personnelle et sentimentale, forme dans la littérature populaire de Bretagne une branche très-distincte et non moins curieuse, sinon aussi importante, que la branche purement historique.

On donne aujourd’hui le nom de kloer (au singulier kloarek) aux jeunes gens qui font leurs études pour entrer dans l’état ecclésiastique. Il correspond exactement au gallois kler, qui avait très-anciennement une des significations du latin clerus dans la basse latinité, et du français clerc d’école, dans les vieilles