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INTRODUCTION

La muse méridionale est fière, passionnée, impétueuse et lyrique; la muse servienne s’élève souvent à la hauteur de la poésie épique; les muses scandinave et danoise sont tragiques et guerrières; le génie de la muse germanique est, selon Ferdinand Wo!f, celui de la tragédie bourgeoise la plus touchante et la plus pathétique; le trait distinctif de la ballade écossaise est la mélancolie la plus douce. Quant à la muse bretonne, elle me paraît unir parfois à la sensibilité de la poésie germanique, la grandeur épique des poètes servions et la tristesse singulière de la poésie écossaise. Mais ce qui la caractérise surtout, ce qui éclate d’une manière admirable dans les chants bretons, c’est cette charmante pudeur, si délicatement indiquée par M. Renan, ce quelque chose de voilé, de sobre, d’exquis, à égale distance de la rhétorique du sentiment, trop familière aux races latines, et de la naïveté réfléchie de l’Allemagne[1].

La manière dont composent leurs auteurs est analogue à celle des autres compositeurs populaires. Le poète, ou plutôt l’auteur dramatique, car chacune de ses œuvres est un drame, indique souvent, dès le début, le dénoûment, dans quelques vers qui servent de prologue; puis il dispose la scène, y place ses acteurs, et les laisse discourir et agir librement; point de réflexions, elles doivent ressortir de l’ensemble des discours et des aventures ; rien d’inutile ; tout se tient, tout s’enlace, tout marche droit au but. Toujours à l’écart, l’auteur n’intervient qu’en de très-rares occasions, soit dans le courant de la pièce, lorsque le sens l’exige impérieusement, soit à la fin, lorsque le drame en suspens hésite au moment d’atteindre le but.

Son allure brusque et sans transition est parfaitement naturelle; il raconte un événement que tout le monde a présent à l’esprit; inutile donc qu’il entre dans de longs détails;

  1. La poésie des races celtiques, Essais, p. 384.