Page:Barzaz Breiz, huitième édition.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxx
INTRODUCTION.

ciens bardes chantaient, à la clarté de la lune, des hymnes en l’honneur de leurs dieux, en présence du bassin magique dressé au milieu du cercle de pierres, et dans lequel on apprêtait le repas des braves[1].

Le lendemain, au moment où l’aurore se lève, on voit arriver dans toutes les directions, de toutes les parties de la Basse-Bretagne, des pays de Léon, de Tréguier, de Goélo, de Cornouaille et de Vannes, des bandes de pèlerins qui chantent en cheminant. D’aussi loin qu’ils aperçoivent le clocher de l’église, ils ôtent leurs larges chapeaux, et s’agenouillent, en faisant le signe de la croix. La mer se couvre aussi de mille barques d’où partent des cantiques dont la cadence solennelle se règle sur celle des rames. Il y a des cantons entiers qui arrivent sous leurs bannières paroissiales, et conduits par leurs recteurs. D’aussi loin qu’on les aperçoit, le clergé du pardon s’avance pour les recevoir; les croix, les bannières, les statues des saints se saluent en s’inclinant, au moment où ils vont se joindre, tandis que les cloches joyeuses se répondent à travers les airs.

À l’issue des vêpres sort la procession. Les pèlerins s’y rangent par dialectes. On reconnaît les paysans de Léon à leur taille élevée, à leur costume noir, vert ou brun, à leurs jambes nues et basanées. Les Trégorrois, dont les vêtements gris n’ont rien d’original, se font remarquer, entre tous, par leurs voix harmonieuses; les Cornouaillais, par la richesse et l'élégance de leurs habits bleus ou violets ornés de broderies, leurs braies bouffantes et leurs cheveux flottants; les Vannetais, au contraire, se distinguent par la couleur sombre de leurs vêtements : à l’air calme et froid de ces derniers, on ne devinerait jamais les âmes énergiques dont ni César ni les armées républicaines ne purent briser la volonté. Mais il ne faut pas les juger sur les apparences : Corps de fer, cœurs d’acier, disait d’eux Napoléon.

  1. Myvyrian, t. I, p. 46.