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au-dessus des eaux. Une heure leur suffit pour le trajet, quoique avec leurs propres bateaux ils puissent difficilement le faire dans l’espace d’une nuit[1]. »

« Il est un lieu, poursuit Claudien, il est à l'extrémité de la Gaule, un lieu battu par les flots de l’Océan..., où l’on entend les plaintes des ombres volant avec un léger bruit. Le peuple de ces côtes voit des fantômes pâles de morts, qui passent[2]. »

On croit que Procope et Claudien, et les poëtes bretons, ont voulu désigner la pointe la plus reculée de l’Armorique : la pointe du Raz, et la baie des Ames ou des Trépassés[3], qui l’avoisinent ; les vallées nues et solitaires du cap situé en face de l’île de Sein ; l’étang de Laoual, sur le bord duquel on voit errer, la nuit, les squelettes des naufragés, qui demandent un suaire et une tombe ; les bouches de l’enfer de Plogoff[4], la ville d’Odierne ; en un mot, toute cette côte affreuse de Cornouaille, hérissée d’écueils et couverte d’immenses ruines, où les tempêtes, les ravages et la désolation semblent avoir fixé leur empire.

Au moins ne peut-on nier que les trouvères français du douzième siècle en aient fait le séjour des âmes et des fées. L’auteur du roman de Guillaume au court nez, qui travaillait à cette époque sur un fonds de vieilles traditions, ou qui peut-être même n’était que traducteur, suppose qu’un chevalier nommé Renoard parcourt les mers pour chercher son fils.

Le chevalier s’endort, la rame lui échappe des mains, sa barque erre a l’aventure ; trois fées l’aperçoivent, et s’approchent en se disant : « Emportons-le bien loin d’ici,

 
En Odierne, la fort’ cité manant,
Où si il veut, encore plus avant,
En la cité Loquiferne la grand[5].


Après avoir lu ces observations préliminaires que nous avons crues indispensables, on comprendra mieux la ballade qui suit.

  1. De Bell. goth., lib. IV, c. XX.
  2. Claudian., in Rufin., lib. I.
  3. Boé ann anaon.
  4. Toull ann ifern.
  5. Selon l’orthographe bretonne, Lokifern (le lieu de l’enfer).