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Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/45

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Les chants des poëtes gallois, contemporains de Gwenc’hlan, portent la même empreinte profonde de mélancolie, de fatalisme et d’enthousiasme ; ils respirent le même esprit prophétique et national ; toutefois ils ne sont pas purement païens ; ils offrent en général un mélange d’idées druidiques et chrétiennes ; les auteurs ne haïssent point l’Église (ils le disent, du moins), et s’ils l’attaquent, c’est dans la personne de ses moines de race étrangère, qu’ils appuient « des loups romains aux ongles crochus », et qu’ils flétrissent du nom de fourbes, de gloutons et de méchants, en les accablant de malédictions.

La victoire du christianisme était donc beaucoup moins avancée en Armorique que dans l’île, à la fin du cinquième siècle, mais dès le milieu du sixième elle était assurée. L’histoire nous l’atteste, et la tradition poétique vient joindre son autorité à celle de l’histoire.

Les paysans bretons en retenant les vers païens dont nous venons de parler, ont sauvé de l’oubli d’autres vers qui attestent, la lutte du christianisme naissant contre le vieux druidisme et qui présagent la défaite prochaine de celui-ci. L’un des morceaux conservés par la tradition nous montre le barde Merlin en quête d’objets sacrés pour les druides : une voix l’apostrophe et l’arrête impérieusement, en lui adressant ces paroles qu’on retrouve dans plusieurs chants des anciens bardes gallois : « Dieu seul est devin[1] »

L’autre, dont l’héroïne est une magicienne, offre un étalage encore plus complet de science divinatoire et cabalistique. Taliesin a composé un chant dans le même goût, où il se vante aussi d’être le premier

  1. P. Merlin devin, p.101