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des devins, des enchanteurs, des astrologues et des poêles du monde ; mais sa harpe est loin d’avoir le son lugubre, fantastique et sauvage de l’instrument d’airain de la magicienne bretonne. Toutefois, au moment où la sorcière vient de couronner son épouvantable apothéose, en s’écriant : « Si je passais sur terre encore un an ou deux, je bouleverserais l’univers, » une voix semblable à celle qui s’est fait entendre à Merlin lui adresse cette sublime apostrophe : « Jeune fille ! jeune fille ! prenez garde à votre âme ; si ce monde vous appartient, l’autre appartient à Dieu ![1] »

La même lutte ayant eu lieu en Irlande entre le druidisme et le christianisme, les mêmes souvenirs poétiques en sont restés dans la mémoire des poëtes populaires. On a publié un dialogue entre Ossian et saint Patrice, où l’apôtre de l’Irlande s’efforce pareillement de détourner le barde de ses vieilles superstitions[2].

Nous pourrons encore trouver çà et là quelques éléments druidiques égarés au milieu de notre poésie bretonne, mais elle sera désormais chrétienne. Le chant de la magicienne nous semble l’anneau qui la rattache au bardisme antique, en marquant le passage des doctrines anciennes aux nouveaux enseignements.

La poésie chrétienne elle-même ne put se soustraire entièrement à l’action du passé. De même que les évêques de la Gaule, ces druides chrétiens, comme les appelle M. de Maistre, conservèrent, suivant l’expression du même philosophe, une certaine racine antique qui était bonne ; de même qu’ils greffèrent la foi du Christ sur le chêne des druides et qu’ils n’abattirent pas tous ces arbres sacrés :

  1. Loïza, p. 429.
  2. Miss Brooke, Irish Poetry, p. 73.