chants du tailleur sont des satires mordantes, alors même qu’elles semblent l’être moins. Toute leur valeur, comme celle des ballades, dépend de leur actualité. Le tailleur est au courant de toutes les intrigues secrètes. Il surprend souvent les amours, et se donne le malin plaisir d’en effeuiller la fleur aux yeux de la foule.
On en peut dire autant du meunier et du pillaouer ; ils mériteraient donc assez le reproche que Taliesin adressait à certains chanteurs populaires de son temps : toutefois, s’ils raillent la conduite du prochain, on peut leur rendre cette justice, qu’ils ne calomnient jamais.
Lorsqu’elles expriment une passion heureuse ou malheureuse, les chansons domestiques sont en général l’œuvre des kloer, qui y figurent le plus souvent eux-mêmes comme acteurs et comme poëtes. Cette poésie intime, personnelle et sentimentale, forme dans la littérature populaire de Bretagne une branche très-distincte et non moins curieuse, sinon aussi importante, que la branche purement historique.
On donne aujourd’hui le nom de kloer ou clercs, aux jeunes gens qui font leurs études pour entrer dans l’état ecclésiastique. Il correspond exactement au gallois kler, qui avait très-anciennement une des significations du latin clerus dans la basse latinité, s’appliquant comme lui aux savants. Nous avons vu que déjà du temps de Taliesin, il se prenait, comme aujourd’hui, dans le sens de ménestrel, de barde d’un rang inférieur, d’écolier-poéte.
Les kloer bretons appartiennent en général à la classe des paysans et quelquefois du petit peuple des villes et des bourgades : les anciens sièges épiscopaux de Tréguier et de Léon, et ceux de Quimper et de Vannes, sont les villes qui en réunissent le plus ; ils y arrivent par bandes, du fond