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ver qu’à grand’peine le sens probable et la rédaction primitive. La langue de nos poëtes populaires a donc, comme leur prosodie, éprouvé quelques pertes et quelques modifications : cela est évident et incontestable ; mais, ce qui nous paraît l’être aussi, c’est que ces altérations et ces pertes n’attaquent essentiellement ni son vocabulaire, ni sa syntaxe.

Nous pensons donc qu’on ne peut rien arguer contre l’antiquité de nos poésies de l’uniformité de leur style.

Il ne nous reste plus qu’à examiner la question de savoir si nos chants populaires ont subi, comme on l’a prétendu, une transformation totale quant au fond d’événements, de mœurs et d idées qu’ils présentent, question déjà à moitié résolue, mais qui mérite d’être complétement traitée.


IX


« Les chanteurs populaires, dit Walter Scolt, ressemblent aux alchimistes qui changent l’or en plomb ; ils corrompent à dessein les œuvres, de l’auteur dont ils transmettent les chants à la postérité, au point de leur enlever leur esprit et leur style original[1] ».

Cette opinion nous semble bien exagérée. Ces œuvres sont, il est vrai, sujettes à deux espèces d’altérations : l’une venant des chanteurs, l’autre des auteurs eux-mêmes. Ainsi, comme le poëte voyageur qui apprend en passant une nouvelle, et qui est, pour ainsi dire, forcé de demander au trésor vulgaire des lieux communs le moyen de combler les lacunes du sujet qu’il veut célébrer, les colporteurs des chants antiques, par défaut de mémoire,


  1. Minstrelsy, introductory remarks.