Pendant tout le moyen âge, ils soutiennent de leurs accents patriotiques le courage des Bretons menacés par la Normandie, par l’Angleterre, ou par la France ; ils célèbrent les glorieuses rencontres où leurs compatriotes ont eu lieu de se signaler ; ils chantent la résistance des paysans bretons à l’étranger, soit normand, soit français, la bravoure des Trente, l’héroïsme de Jeanne de Montfort, le retour de Jean le Conquérant, le courage de Rolland Gouiket ; ils marquent d’un stigmate immortel les traîtres qui préfèrent, comme Rohan, le joug doré de l’ennemi à la liberté pauvre et fière. Quand, plus tard, cette liberté a été glorieusement mise en gage entre les mains de la France, ils ont encore des chants de louanges pour ceux qui l’aiment et qui la défendent comme du Dresnay, pendant la Ligue, comme Pontcallec, Talhouet, Montlouis et du Couëdic, sous la monarchie absolue : quand enfin, après plusieurs siècles, elle leur échappe au milieu d’une tempête qui ébranle l’Europe entière ; quand leur pays est envahi, leur territoire ravagé, leurs anciens chefs de clan persécutés, et leurs prêtres bannis ou condamnés à mort, leur voix, s’éveillant tout à coup avec les sons du tocsin, salue l’étendard paroissial qui flotte au sommet des clochers, enflamme les bandes guerrières des paysans devenus soldats, et retrouve, pour chanter les compagnons des Cadoudal, des Tinteniac et des Cornouaille, l’inspiration des anciens bardes.
Ainsi, jamais la cause des poëtes nationaux bretons n’a été distincte de celle de leur pays. Soumise à des lois qui n’ont plus de privilégiés, sans rôle à jouer dans l’avenir comme nation, mais non sans regret du passé, la Bretagne se recueille aujourd’hui dans le sanctuaire domestique, à l’abri de ses vieilles croyances, de ses mœurs et de son langage, prêtant l’oreille à ses