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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Les ravages commis en Bretagne par les étrangers, tant Anglais que Français, inspirent au poëte populaire la même haine pour eux qu’à ses prédécesseurs ; elle emprunte un accent nouveau à l’indignation qu’il éprouve en songeant à la violation de la foi jurée, et proteste contre un pacte d’union qui lui paraît impraticable. Ce sentiment d’antipathie pour le loup, comme il appelle la France, à l’exemple des poëtes nationaux du quatorzième siècle, n’était point particulier au peuple des campagnes ; il était celui de toute la basse Bretagne, et même des villes : les Bretons s’obstinaient à ne pas vouloir devenir Français, et traitaient de félons les hommes du pays dévoués au roi ; c’est ce qui était arrivé à Châteaubriand, gouverneur de Brest, quelques années auparavant. La reine de Navarre écrivait alors de basse Bretagne à Henri II : « J’ay veu M. de Chasteaubriand… Il n’a regart ny à son proufist, ny à complaire à nulluy, pour vostre service, dont ceux de la basse Bretaigne le tiennent pour mauvais Breton…; ceux de Brest… ne sont pas bien confirmés bons Français. Vous savez de quelle importance le lieu est ; il vous plaira y penser : car M. de Chasteaubriand en a souvent la fiebvre de peur, veu qu’il est en dangereuses mains, et gardé par gens mal contents[1]. »

René du Dresnay, seigneur de Kercourtois, chef des ligueurs de la haute Cornouaille, dont la famille est aujourd’hui représentée par le loyal député de ce nom, est un des plus beaux caractères du seizième siècle. À l’époque du siège de Craon, il n’avait guère que vingt-deux ans ; en 1594, il commandait une compagnie de gens d’armes de cent cinquante salades, « qui lui avoit esté donnée de préférence à plusieurs gentilshommes et vieulx soldats, lesquels néanmoins n’en furent pas jaloux, dit un contemporain, la voyant bailler à celui qui la méritoit si bien. Car c’estoit un gentilhomme rempli de belles qualités entre la noblesse, et plus parmi les genz de guerre : vaillant de sa personne autant qu’on pouvoit l’estre ; discret, parlant peu, mais bien à propos ; ne jurant jamais ; ne s’adonnant pas aux femmes, comme la plupart des aultres recherchent si curieusement ; ne manquant de rem-

  1. Lettres inédites de la reine de Navarre. Lettre XCIX, p. 163 et 166. De la basse Bretagne. — Octobre, 1537. Au Roi.