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LE COMBAT DE SAINT-CAST.


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ARGUMENT.


Au mois de septembre 1758, les Anglais firent une descente à Saint-Cast, au nord de la Bretagne. Cette expédition se liait à un vaste plan dont l’objet principal était d’assurer à l’Angleterre la navigation de la Manche, et d’opérer une diversion en faveur des armées d’Allemagne, ses alliées, en alarmant la France et en l’obligeant à employer des troupes considérables à la défense de ses côtes. La défaite du général Bligh et des huit mille hommes qu’il commandait, dont trois mille furent tués ou pris par le général Morel d’Aubigny, de la noble famille normande de ce nom, fit abandonner le système d’invasion[1].

Le combat de Saint-Cast donna lieu à un événement peut-être unique dans les annales de la guerre. « Une compagnie de bas Bretons des environs de Tréguier et de Saint-Pol-de-Léon, dit le petit-fils d’un témoin oculaire, marchait pour combattre un détachement de montagnards gallois de l’armée anglaise, qui s’avançait à quelque distance du lieu du combat en chantant un air national, quand tout à coup les Bretons de l’armée française s’arrêtèrent stupéfaits : cet air était un de ceux qui tous les jours retentissaient dans les bruyères de la Bretagne. Électrisés par des accents qui parlaient à leur cœur, ils cédèrent à l’enthousiasme, et entonnèrent le refrain patriotique ; les Gallois, à leur tour, restèrent immobiles. Les officiers des deux troupes commandèrent le feu ; mais c’était dans la même langue, et leurs soldats semblaient pétrifiés. Cette hésitation ne dura pourtant qu’un moment ; l’émotion l’emporta bientôt, sur la discipline : les armes tombèrent des mains, et les descendants des vieux Celtes renouvelèrent sur le champ de bataille les liens de fraternité qui unissaient jadis leurs pères.

« Sans oser garantir ce fait, ajoute M. de Saint-Pern, nous déclarons qu’il nous a été raconté par plusieurs personnes dont l’opinion peut faire autorité, et qu’il est traditionnel dans le pays.[2]» Le chant qu’on va lire le confirme.


  1. Smolett, History of England, p. 675 et 682.
  2. Combat de Saint-Cast, par M. de Saint-Pern Couëlan, député de Dinan (1836), p. 50 et 51.