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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


La tradition dont nous allons reprendre le fil ajoute que le vieux Maurice, ne voyant pas reparaître son fils, le soir du pardon, passa la nuit dans une grande angoisse. De temps en temps, il croyait entendre frapper à la porte, et se levait sur son séant pour écouter ; mais son fils ne revenait pas. Il dit à sa femme : « Marie, dès que le jour viendra, je mettrai le bât sur le cheval, j’emmènerai avec moi le chien, et j’irai voir ce qu’est devenu Loéizik. J’ai grand’peur qu’il ne lui soil arrivé malheur ! »

Le lendemain, il monta à cheval, se fit suivre de son chien, et prit le chemin du Faouet. A lu croix de Penfell, le cheval se cabra et refusa d’avancer ; le cliien lui-même s’était arrêté et flairait la terre en aboyant. Dans ce moment, l’aube, qui commençait à blanchir, laissa voir de » traces de sang.

Comme le malheureux vieillard, guidé par son chien, suivait ces traces dans un émoi impossible à peindre, il rencontra le recteur de Langonet, accompagné de deux paysans qui portaient le cadavre de son fils.

D’après une version différente de celle du poëte, les compagnons de Loéizik le cachèrent d’abord sous un tas de feuilles ; puis, ayant trouvé sur le chemin la mule égarée d’un saulnier, ils s’en emparèrent, lièrent sur son dos l’infortuné jeune homme, et la laissèrent aller.

L’animal, par un instinct naturel aux bêtes de somme des paludiers, gagna la rivière, s’y débarrassa de son fardeau, et revint chez son maître. Quand celui-ci apprit l’histoire de Loéiz Rozaoulet, il mena sa mule à la foire, et la vendit ; mais le soir elle était de retour, conduite par un guide invisible. Il la vendit une seconde fois, elle reparut de nouveau ; une troisième, elle revint encore : de sorte que, recevant toujours le prix de sa mule et ne la perdant jamais, il devint très riche, et, regardant la chose comme une faveur du ciel, il se mit à trafiquer sans remords de la bête ; et, le jour du marché, frappant dans la main de l’acheteur, il murmurait entre ses dents :

« Soyez en repos, mon hôte ; avant que la nuit soit close, ma mule sera a ma porte. »