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LES LABOUREURS.


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ARGUMENT.


La classe des paysans bretons qui nous intéressent spécialement ici, se divise en pauvres, fermiers, domaniers et propriétaires. Le pauvre (nous en avons déjà parlé) n’est point, en Bretagne, le rebut de la société : il est aimé, estimé, honoré de tous ; on sait que ses haillons peuvent se changer un jour en vêtements de gloire ; il habite une cabane couverte en genêts ; il n’a qu’un verger ou courtil, dans lequel croît le chanvre dont il s’habille et l’herbe dont se nourrit sa vache, qui partage avec lui son toit ; il mendie devenu vieux, et travaille lorsqu’il est jeune. Le fermier, comme partout ailleurs, laboure les terres de son maître ; le domanier en a l’usufruit, mais non pas la propriété ; les édifices seuls lui appartiennent, et lui peuvent être remboursés par congément. Quelquefois il achète son domaine, qu’il ne croit jamais payer trop cher, si c’est le lieu de sa naissance, et il entre dans la classe des propriétaires, classe peu nombreuse, plus indépendante, et qui forme, dans la chaîne sociale, l’anneau qui lie le paysan au bourgeois.

Il est triste de songer qu’à une époque où l’on parle tant d’améliorer le sort du peuple, on n’ait encore rien fait dans l’intérêt des classes pauvres de nos campagnes ; elles sont peu à craindre, il est vrai, car elles sont chrétiennes, et, tandis qu’ailleurs, le paysan incrédule maudit la terre qu’il travaille et le maître qu’il lui faut payer, l’agriculteur breton, levant les yeux au ciel, et voyant briller l’immortelle aurore, chante ainsi pour se consoler :