Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



LES LIGUEURS.


______


ARGUMENT.


Lorsque Louis XII, la veille de son mariage avec Anne de Bretagne, signa le traité d’union du duché à la France (1499), le peuple armoricain, fatigué d’une guerre sans fin, crut voir luire l’aurore d’un avenir meilleur, et, oubliant qu’il avait lutté contre la suzeraineté des rois franks pendant sept siècles, et contre leur autorité immédiate durant trois cents ans, consentit a accepter le roi pour seigneur direct ; mais les plus clairvoyants ne se soumirent qu’à regret, et à la mort d’Anne de Bretagne, ils songèrent secrètement à recouvrer leur existence nationale. Chose remarquable, l’extinction de la famille ducale étrangère qu’Anne représentait, famille sous laquelle les Bretons avaient conservé leurs vieilles libertés, causa presque autant de chagrin au peuple que l’extinction de la race des chefs de nom et d’origine celtiques. Tomber sous l’autorité directe des rois de France après avoir été gouvernés par des ducs qui, moins dépendants de ces rois que de leurs sujets, ne pouvaient promulguer aucune loi nouvelle, abroger aucune loi ancienne sans le consentement du baronnage de Bretagne, cette sauvegarde armée des intérêts nationaux, parut aux patriotes bretons une calamité réelle que dissimulait seulement le contrat par lequel leurs anciennes franchises leur étaient maintenues. Ils cherchèrent donc l’occasion de secouer le joug de la France : la Ligue la leur offrit bientôt ; rattachant leur cause à celle du parti catholique, et prenant pour chef le duc de Mercœur, dont leurs vues nationales servaient les prétentions à la couronne de Bretagne, ils déployèrent le drapeau de l’Union.

Le chant du départ des ligueurs cornouaillais de l’armée de Mercœur pour le siège de Craon, défendue par huit à dix mille hommes, tant Anglais que Français, qui furent mis en déroute sous les murs de la ville (mai 1592), est resté dans la mémoire belliqueuse des paysans des montagnes Noires ; il m’a été appris par un vieillard nommé Gorvel de Mael-Pestivien.