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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

mencé il y a quatre ans. Ce que je sais ne fait que me nuire. C’est à refaire.

J’ai été obligée de recommencer deux fois la tête de face avant de satisfaire. Quant à l’académie, cela se fit de soi-même et M. Julian n’a pas corrigé une ligne. Il n’était pas là quand j’arrivai, c’est une élève qui me dit comment commencer ; je n’avais jamais vu d’académie.

Tout ce que je faisais jusqu’à présent n’était qu’une mauvaise blague !

Enfin je travaille avec des artistes, de vrais artistes qui ont exposé au Salon et dont on paye les tableaux et les portraits, qui donnent même des leçons.

Julian est content de mon début. « À la fin de l’hiver vous pourrez faire de très beaux portraits » m’a-t-il dit.

Il dit que ses élèves femmes sont quelquefois aussi fortes que ses élèves hommes. J’aurais travaillé avec ces derniers, mais ils fument, et d’ailleurs il n’y a pas de différence. Il y en avait lorsque les femmes n’avaient que le modèle habillé ; mais du moment qu’elles font l’académie, l’homme nu, c’est la même chose.

La bonne de l’atelier est comme on les décrit dans les romans.

— J’ai été toujours avec les artistes, dit-elle, et je ne suis plus du tout bourgeoise, je suis artiste.

Je suis contente, contente !


Vendredi 5 octobre. — Vous avez fait ça seule ? a demandé M. Julian en entrant dans l’atelier.

— Oui, monsieur.

J’étais rouge comme si j’avais menti.

— Eh bien… je suis très content, très content.

— Oui ?