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JOURNAL

— Très content.

Et moi donc ! Suivent les conseils… Je suis encore éblouie de la supériorité des autres sur moi, mais j’ai déjà moins peur. Ce sont des femmes qui ont trois, quatre ans d’atelier, de Louvre, d’études sérieuses,


Samedi 6 octobre. — Je n’ai vu personne, puisque j’étais à l’atelier.

— Soyez tranquille, me dit Julian, vous ne resterez pas longtemps en route.

Et lorsque maman est venue me chercher à cinq heures du soir, il lui a dit à peu près ceci :

« J’ai cru que c’était un caprice d’enfant gâtée, mais je dois avouer qu’elle travaille vraiment, qu’elle a de la volonté et qu’elle est bien douée. Si cela continue, dans trois mois ses dessins pourront être reçus au Salon. »

Chaque fois qu’il vient corriger mon dessin, il demande si je l’ai fait seule, avec une certaine défiance.

Je crois bien, seule ! Je n’ai jamais demandé de conseil à aucune des élèves que pour commencer l’académie.

Je me fais un peu à leurs façons… artistiques.

À l’atelier tout disparaît ; on n’a ni nom ni famille ; on n'est plus la fille de sa mère, on est soi-même, on est un individu et on a devant soi l’art, et rien d’autre. On se sent si content, si libre, si fier !

Enfin, me voilà comme je voulais être depuis longtemps. Je l’ai si longtemps désiré que je ne crois pas encore y être.

À propos ! savez-vous qui j’ai rencontré aux Champs-Élysées ?

Tout bonnement le duc de H… occupant tout un fiacre. Le beau jeune homme un peu fort, aux che-