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JOURNAL

Samedi 23 novembre. Robert-Fleury m’a encore parlé « au point de vue d’un avenir artistique, sérieux, d’un avenir de peintre de talent ! » Je ne me rappelle pas les expressions qu’il a employées, mais il a parlé de mon ensemble du soir, et Breslau, qui a entendu, m’a regardée avec considération et de cet air bienveillant qu’on prend quand on veut ne pas paraître jaloux. Ce n’est pas de la tête de cette semaine qu’il s’agit ; ma peinture est encore si faible qu’il n’y a pas grand’chose à en dire, mais c’est de l’ensemble des études. Ce qui me dérange un peu, c’est qu’il m’a ordonné de ne pas me contenter đes études de l’atelier, mais de faire des croquis, des composilions par ceur, etc. J’étais partie comme une machine et maintenant il faudra y mettre dumien, avoir un peu d’indépendance… Par la façon dont il m’a engagée à travailler, dont il m’a encouragée, j’ai vu que je suis dans ses bonnes grâces comme Breslau. Vous comprenez bien, qu’autant je me fiche de l’homme, autant je tiens à mon maitre ; car, je vous le répète, sans étre un peintre empoignant, notre patron est un parfait professeur. Avec Breslau et moi, il a une manière de corriger à part.

Ce soir, je vais revoir les Amants de Vérone avec Nadine et Paul. Nous invitons Filippini. Capoul et Heilbronn ont chanté et joué d’une façon adorable. La partition s’ouvre comme une fleur à la seconde audition. Il faudrait y retourner. La fleur s’épanouirait encore et répandrait un parfum tout à fait charmant. 1l y a des phrases délicieuses, mais, par exemple, il faut de lå patience et de la délicatesse. Cette musique ne s’impose pas, il faut en chercher le charme, qui est fin, effacé presque, mais qui existe.