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JOURNAL

pour l’atelier. Depuis trois jours, j’avais envie d’écrire je ne sais plus au juste quelles réflexions ; mais traquée par le chant de la demoiselle du deuxième, je me mis à feuilleter mon passage en Italie, et puis, on est venu me déranger et j’ai perdu le fil de mes idées et cette disposition mélancolique qui est assez agréable.

Ce qui me surprend, c’est la facilité avec laquelle, dans ce temps-là, j’employais les plus · grands mots pour peindre les aventures simples. Mais j’avais en vue de grands sentiments, j’étais vexée de n’avoir pas à raconter des sensations étonnantes, foudroyantes, romanesques et j’interprétais mes sentiments ; les peintres me comprennent. Tout cela est très bien ; mais comment une fille qui se prétend intelligente, n’a-t-elle pas mieux compris la valeur des hommes et des événements ? Je dis cela, parce que j’allais dire que mes parents auraient dû m’éclairer et me dire, par exemple, d’A… que ce n’est pas un homme sérieux, ni un homme pour lequel on doive se donner le moindre mal. C’est vrai, on m’en a parlé tout de travers, ma mère étant plus jeune que moi ; mais enfin, tout cela à part et puisque j’ai si haute opinion de mon intelligence, j’aurais dû mieux me rendre compte et le traiter comme tous les autres, au lieu de lui donner un développement si considérable dans ce journal et ailleurs. Mais, je brûlais d’impatience d’enregistrer des romans, et bête que je suis ! c’aurait peut-être été plus romanesque autrement… Bref, j’étais jeune et inexpérimentée, malgré des fanfaronnades, des roueries, voilà ce dont il faut enfin convenir, quoi qu’il m’en coûte.

Bon ! Voilà qu’il me semble entendre dire : Une