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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

femme forte comme toi, ne devrait pas être sujette à des rétracta ! ions.

Dimanche 29 décembre. — La-dessus, je me suis appuyé la tête sur le canapé et me suis endormie de la plus belle façon jusqu’aujourd’hui huit heures du matin. C’est amusant de dormir comme ca, hors de son lit. Je suis toute détachée de l’art et je ne puis me raccrocher à quoi que ce soit. Mes livres sont emballés, je perds mon latin et mes classiques et je me semble toute bête. La vue d’un temple, d’une colonne, d’un paysage italien me fait prendre en horreur ce Paris si savant,

expérimenté, si raffiné. Les hommes sec,

sont laids, ici. Ce paradis, qui est un paradis pour les organisations supérieures, n’est rien pour moi. Oh ! je me suis détrompée, allez ; je ne suis ni adroite, ni heureuse. J’ai envie d’aller en Italie, de voyager, de voir des montagnes, des lacs, des arbres, des mers… Avec ma famille, avec des paquets, des récriminations, des tribulations, de petites querelles quotidiennes ? Ah ! non, cent fois non. Pour jouir de ces bonheurs de voyage, il faut attendre… et le temps passe. Ma foi, tant pis ! Je pourrai loujours épouser un prince italien quand je voudrai ; attendons donc… C’est que, voyez-vous, en prenant un prince italien, je pourrai travailler, puisque l’argent sera à moi ; mais il lui en faudrait donner… En attendant, restons ici, travaillons à la peinture. Samedi, on a trouvé mon dessin pas mal, fait en deux jours. — Vous comprenez, ce n’est qu’avec un Italien que je pourrai vivre à ma guise en France, où je voudrai et, en Italie, quelle belle vie ! Je me partagerai entre Paris et l’Italie.