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JOURNAL

mari etla femme, ce qui me froissait au supréme degré. Comme notre villa est louće, nous allons à l’hôtel du Parc ; l’ancienne villa d’Acqua-Viva que nous habitions il y a de cela huit ans. Huit ans ! Je fais un voyage de plaisir. Nous allons diner à London-House. Antoine, le maître d’hotel, vient me présenter ses hommages, les domes du comptoir aussi, et puis tous les fiacres sourient et saluent, et celui que nous prenons me fait compliment de ma grande taille ; il me connait ; et puis un autre, qui offre ses services en criant qu’il a servi Mme Romanoff ; puis mes amis de la rue de France, C’est très gentil, et tous ces braves gens m’ont fait plaisir. La nuit est belle et je m’échappe toute seule, jusqu’à dix heures du soir ; je vais rôder au bord de la mer et chanter avec accompagnement de vagues. Il n’y a pas une âme vivante et il fait bien beau, après Paris surtout. Paris !

Samedi 22 février. Ici je m’éveille toute seule, les fenêtres sont ouvertes toute la nuit. La chambre que j’occupe est celle où nous prenions nos leçons de dessin avec Benza. Je vois le soleil qui éclaire peu à peu les arbres près du petit bassin du milieu du jardin, comme je le voyais alors tous les matins ; ma petite salle d’études a le même papier, celui que j’avais choisi moi-même. Elle est sans doute occupée par quelque sauvage anglais… Je l’ai reconnue à cause du papier, car on a organisé un corridor qui me trouble ; la chambre où je suis était une vitrine. Il fait beau !

Nous mangeons au London-House, et c’est ce que nous ferons tout le temps que je resterai à Nice. On y voit tout le monde, surtout au carnaval. Quelle différence avec Paris !