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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

au piano, par exemple, elle éprouve les hésitations et les tortures que j’éprouverais, en demandant une invitation de soirée ou de bal.

J’ai l’excuse de ne causer avec personne ici, elle n’est donc pas une exception. Je travaille à l’atelier et, en mangeant à la maison, lis les journaux ou un livre ; c’est une habitude dont il me sera difficile de me défaire, je tís méme en m’exerçant sur la mandoline. Donc, la petite ne se voit pas plus maltraitée que les autres ; j’ai des remords, mais je ne peux pas !

Je me sens profondément malheureuse dans sa société ; les trajets que je dois faire avec elle en voiture me seraient une vraie torture si je ne regardais portière et, en pensant très fort à autre chose, ne parvenais à l’oublier… On l’oublie facilement, rien de plus imperceptible que ce pauvre être, mais aussi rien de plus énervant ! Je voudrais tant qu’elle trouvât une condition où elle pút être heureuse et qu’elle s’en allât d’ici. J’ai honte de dire qu’elle me gâte mon désert et ma vie de désolation. par

la Oh ! cette peinture, si je pouvais y arriver !… Vendredi 14 mars.

Paul vient de partir malgré moi ; je me suis fâchée et lui ai déclaré qu’il ne partirait pas ; il m’a donné sa parole d’honneur du contraire. Je tenais la porte ; alors, profitant d’une distraction, il s’est sauvé.

Voyez-vous, c’est pour prouver qu’il ne change pas de résolution ; il avait juré de partir aujourd’hui. Bref, une fermeté de faible qui, ne se sentant rien dans les choses sérieuses, se rattrape sur les bagatelles. Gela m’a évité de m’attendrir. J’ai immédiatement pris 20 francs à ma tante pour envoyer une dépéche