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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

la plus difficile, et comment pouvez-vous travailler de si près ? Allons, je vois que ça marchera sur des roulettes. Voilà

mon monde. Les miens sortent et vont au théâtre, moi, je dessine en attendant le carnaval à Naples, si mes idées ne changent pas et si rien de nouveau ne survient.

Mercredi 10 octobre. Ne pensez pas que je fasse des merveilles parce que M. Julian s’étonne. Il s’étonne parce qu’il s’attendait à des fantaisies de fille riche et de commençante. L’expérience me manque, mais ce que je fais est juste et ressemblant. Quant à l’exécution, elle est ce qu’elle peut étre au bout de huit jours de travail.

Toutes mes camarades dessinent mieux que moi, mais aucune ne fait aussi ressemblant et aussi juste. Ce qui me fait croire que je ferai mieux qu’elles, c’est que tout en sentant leurs mérites je ne me contenterai pas de faire comme elles, tandis que généralement celles qui commencent, disent toujours : Si seulement je pouvais dessiner comme telle ou telle ! Elles ont la pratique, l’étude, l’expérience, mais ces filles de quarante ans ne feront jamais plus qu’elles ne font aujourd’hui. Celles qui sont jeunes… dessinent bien et ont du temps, mais pas d’avenir. Je n’arriverai peut-être pas, mais ce ne serait que par impatience. Je me tuerais pour ne pas avoir commencé il y a quatre ans et il me semble que c’est trop tard.

Nous verrons. Jeudi 11 octobre. — On a beau se dire que cela ne sert à rien de regretter ce qui est passé, à chaque ins-