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JOURNAL

tant je me dis : Comme tout serait bien si j’avais étudié depuis trois ans ! A présent je serais déjà une grande artiste et je pourrais, etc., etc. M. Julian a dit à la bonne de l’atelier que Schaeppi et moi donnions le plus d’espérances. Vous ne sayez pas qui est Schaeppi ? Schaeppi, c’est la Suissesse. Hein ! quel langage ! Donc, M. Julian a ajouté que je puis devenir une grande artiste. Je sais cela par Rosalie. Il fait si froid, je me suis enrhumée, mais je pardonne tout cela pourvu que je dessine. Et dessiner, pourquoi ? Pour… tout ce que je pleure depuis le commencement du monde ! Pour tout ce qui m’a manqué et me manque ! Pour arriver par mon talent, par… par tout ce que vous voulez, mais arriver ! Si j’avais tout cela, peut-être ne ferais-je rien ? Vendredi 12 octobre. — Vous savez, monsieur, disje à Julian, je suis toute découragée. Une dame me disait hier encore que je ne devais pas travailler, n’ayant aucun talent. Elle a dit ça, cette dame ? Mais oui, et sérieusement. Eh bien, vous pouvez lui dire que si dans trois mois, trois mois ce n’est pas bien long, que si dans trois mois vous ne faites pas son portrail de face, de trois quarts ou de profil, comme elle veut enfin, et un portrait pas mal fait, entendez-vous ? ressemblant et pas mal fait ? Eh bien, elle verra. Dans trois mois, et si je le dis ici de façon que toutes ces dames peuvent m’entendre, c’est que je ne dis pas une chose bien colossale, mais sůre.

Ce sont ses propres paroles, dites avec ce reste d’ac-