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JOURNAL

serais pas plus révoltée, plus outrée, plus désolée. Mais pensez donc à cet enfant, que les quolibets des sales journaux radicaux ont fait partir, à l’enfant qui est attaqué, assassiné par des sauvages ! Les cris qu’il a poussés, les appels désespérés, la souffrance, l’horreur de l’impuissance. Se voir mourir dans un coin inconnu, affreux, abandonné, livré presque. Aussi partir comme ça, tout seul avec des Anglais ! Et la mère !

Et les feuilles anglaises ont l’infamie d’insinuer qu’il n’y avait aucun danger dans l’endroit où se faisait la reconnaissance. Est-ce qu’il peut y avoir sécurité dans un tel pays, au milieu de sauvages ennemís, pour une troupe de quelques hommes ? Il faut être fou ou idiot pour le croire. Mais lisez les détails. On l’a laissé là trois jours, et ce Carey ne s’est aperçu que trop tard que le prince manquait. En voyant les Zoulous, il s’est sauvé avec les autres, sans s’occuper du prince. Non, voyez-vous, le voir imprimé dans leurs journaux et se dire que cette nation n’est pas exterminée, qu’on ne peut pas anéantir leur fle maudite et ce peuple froid, barbare, perfide, infåme ! Oh ! si c’était en Russie ; mais nos soldats se seraient fait tuer jusqu’au dernier !

Et ces infâmes l’ont abandonné, livré ! Mais lisez donc les détails, et si vous n’étes pas saisi de tant d’infamie, de lâcheté ! Est-ce qu’on s’enfuit sans défendre ses camarades ? Et l’on ne pendra pas le lieutenant Carrey ! Et la mère, l’Impératrice, pauvre Impératrice ! Tout est fini, perdu, anéanti ! Plus rien ! qu’une pauvre mère vêtue de noir.