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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Avant, je m’intéressais aux passants dans une ville d’eaux, cela m’amusait. Je suis devenue d’une indifférence complète. Qu’il y ait des hommes ou des chiens aulour de moi, cela m’est égal. Je m’amuse encore le mieux toute seule à. faire de la musique ou à peindre. Je m’attendais à faire dans ce monde tout autre chose que ce que j’y fais, et du moment que ce n’est pas ce que je croyais, peu m’importe ce que cela peut étre. On ne peut pas nier, du reste, que j’aie eu du malheur tout le temps.

Mardi 19 août. J’ai pris mon premier bain de mer et tout cela ensemble fait que je voudrais bienavoir une excuse pour pleurer. J’aimerais mieux être habillée en ramasseuse de moules que d’avoir une robe bourgeoise. Du reste, c’est une nature malheureuse que la mienne : je voudrais une harmonie exquise dans tous les détails de la vie ; souvent des choses qui passent pour élégantes et jolies me choquent par je ne sais quel manque d’art, de gràce particulière et de je ne sais quoi. Je voudrais voir ma mère élégante, spirituelle ou,

tout au moins, digne, fière… Fichue existence, va ! Vraiment, on ne tourmente pas ainsi les gens… Des futilités ?… Tout est relatif et si une épingle yous fait autant de mal qu’un couteau, qu’est-ce que les sages ont à dire ? Mercredi 20 août. Je ne pense pas que je puisse jamais éprouver un sentiment où l’ambition ne soit pas mėlée. Je méprise les gens qui ne sont rien. — Če matin, je suis allée faire une pochade de la mère Justin, qui a soixante-lreize. ans, Jeudi 24 avût.

M. B.— II. 13