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JOURNAL

prières si intimes que lorsqu’on les dit ou écrit, on parait bête et maladroit. Samedi 9 août. – Partir ou rester ? Les malles sont faites.. Mon docteur ne parait pas croire à l’efficacité des eaux du Mont-Dore. Qu’importe, j’y vais me reposer. Et en revenant il me faudra mener une existence incroyable.

Je peindrai tant qu’il fera jour et je sculpterai le soir. Mercredi 13 août.

— Depuis hier, à une heure de la nuit, nous sommes à Dieppe. Est-ce que toutes ces villes de mer sont les mêmes ? J’ai été à Ostende, à Calais, à Douvres, et je suis à Dieppe. Cela sent le goudron, le bateau, les cordages, la toile cirée. Il fait du vent, on est exposé de tous côtés et l’on se croit en détresse. Cela sent le mal de mer. Quelle différence avec la Méditerranée ! Là on respire, là il y a de quoi admirer, là on est bien. Et ça ne sent pas toutes ces vilaines choses d’ici. J’aime déjà mieux un bon petit nid de verdure comme Soden, Schlangenbad et comme doit ètre le Mont-Dore. Je viens ici pour respirer. Ah ! bien oui. Sans doute, hors la ville et le port, l’air est meilleur. Toutes ces mers du Nord ne me plaisent pas. Et de tous ces hôtels d’ici on ne voit la mer que du troisième étage. O Nice, ô san Remo, ô Naples !  ! O Sorrente !  !  ! Vous n’êtes pas de vains mots, vous n’êtes ni exagérés, ni profanés par les guides des voyageurs, vous étes vraiment belles et divines !  !  !

Samedi 16 août. — Nous rions beaucoup et je m’ennuie bien, mais le rire est dans ma nature et est indépendant de mon humeur.