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JOURNAL

amateurs qui vous font grincer des dents avec leur musique ; un violoniste qu’on n’entend pas et un bel homme qui chante la sérénade de Schubert après avoir, une main appuyée sur le piano, lancé à l’assistance des regards de vainqueur, et une attitude… si ridicule ! Je ne comprends pas, du reste, qu’un Monsieur vienne cabotiner dans une grande soirée. Les femmes, avec leurs coiffures et cette poudre blonde qui est si sale à voir dans les cheveux, avaient l’air d’être cóiffées avec des choses de

matelas et de s’être roulées dans de la paille. Est-ce laid ! Est-ce bête !  !

Mardi 27 avril. Je me sauve, impatiente d’avoir ma première séance avec l’Américaine. Elle res-. semble à Mme Récamier ; je lui retrousse les cheveux à la Psyché, et lui mets une chemise de batiste à manches courtes et bouffantes, un ruban rose autour de la taille, sous les seins, et une écharpe paille dans laquelle elle s’enveloppe les bras. Ellè est d’une maigreur exquise qui est même ètonnante à dix-huit ans, une maigreur de quinze ans, un teint d’une fraicheur radieuse et des pattes très blanches. Jeudi

29 avril. —Ge soir, diner chez le ménage Simonidès. Tout est étrange chez eux. (Je connais la dame de chez Julian ;) le mari est beau et jeune, la femme est belle et a passé trente-cinq ans ; ils sont très unis, vivent cachés, ne voient que quelques artistes et font des dessins et des peintures extraordinaires, des espèces d’imitation de la renaissance, des sujets étonnants de naïveté : la mort de Béatrice, la mort de Laure, la femme qui enferme la tête de son amant dans un pot et où il