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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

un tableau ; je réve un arrangement exquis et la petite est assez gentille pour me dire qu’elle posera et se contentera d’un petit portrait que je ferai après celui-là. Si je n’avais un tableau au Salon, jamais des élèves n’auraient assez confiance pour poser. Julian pense que Tony a travaillé à mon tableau et Tony, vous savez bien ce qu’il a fait : c’était dans une gamme trop sombre, il a remis des blafardises partout et j’ai consciencieusement tout repeint ; quant à la main, il l’avait dessinée en peignant ; mais l’avant-der nier jour j’ai raccourci les doigts, ce qui m’a amené à refaire tout ; donc il n’y a même pas de dessin de lui, il m’a seulement montré comment il fallait faire. — En

somme, je l’ai fait honnêtement et, du reste, ce n’est pas fameux.

Ce soir, chez Mmo P., d’anciens magistrats, je crois ; ils ont loué l’hôtel d’Alcantara qui a cette galerie Iongue et étroite donnant par une fenêtre unique sur les Champs-Élysées. L’hôtel est curieusement disposé, grâce à cette langue de terrain qui va aux ChampsÉlysées et se prête aux fètes, bien que la galerie soit étroite. De braves gens aimables, mais une société bizarre, des toilettes de l’autre monde, personne de connu. Je suis endormie et en colère. Et cette chère maman qui se lève pour aller me présenter le Chilien ou le Mexicain « qui rit ». Il a une affreuse grimace qui le fait sinistrement ricaner toujours ; e’est un tic et avec cela une grosse figure épanouie. Il a 27 millions, et maman croit que……Épouser cet homme, c’est presque comme un homme sans nez ; fi l’horreur ! Je prendrais bien un laid, un vieux, ils sont tous les mêmes pour moi, mais un monstre, jamais !  ! A quoi serviraient les millions avec ce boulet du ridicule ? Plusieurs connaissances, mais c’est endormant. Des M. B. — II,

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