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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je me suis coiffée d’un chapeau de paysanne d’ici, cela me va très bien, me faisant ressembler à un Greuze. J’ai télégraphié et on m’envoie des robes de linon pour les chaleurs d’ici, et voilà qu’il fait froid. Je commence à voir le paysage ; jusqu’à ce soir j’étais énervée par la saleté de la nourriture, énervée parce que le manger est une préoccupation ignoble et a laquelle on ne peut se soustraire, Vendredi 23 juillet.

nesse gaspillée, saccagée, perdue ? Je n’ai pas encore vingt ans et, l’autre jour, je me suis trouvé trois cheveux blancs ; je m’en vante, c’est une preuve épouvantable que je n’exagère rien. N’était ma figure d’enfant, je paraitrais vieille. Est-ce que c’est naturel à mon åge ?

Non i voyez-vous, il se soulève au fond du ceur un tel orage, qu’il vaut mieux couper court à tout, en me disant que j’aurai toujours la ressource de me casser la tête avant qu’on me plaigne. J’avais une voix extraordinaire : c’était un don de Dieu, et je l’ai perdue. Le chant, pour la femme, est ce que l’éloquence est à l’homme, une puissance sans limite.

Qui me rendra ma jeuA la promenade, dans le parc sur lequel donne ma fenêtre, j’ai vu Mme de Rothschild, venue ici avec palefreniers, chevaux, etc., etc. La vue de cette heureuse. m’a fait mal, mais il faut être brave. Du reste, quand une douleur devient aiguë, c’est la délivrance. Quand on en arrive à un certain point, on sait que cela ne peut plus que diminuer. C’est en attendant cette crise du ceur et de l’âme qu’on souffre ; mais une fois arrivé là, on est soulagé. Et puis on appelle å son aide Épictète ou on prie ; mais la prière attendrit…