Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
217
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞHKIRTSEFF. 217

avoir bien reconnu que la véritable vie vous est un sujet de maux sans fin, qu’on accepte l’autre ou qu’on se cache de la première dans la seconde. Arrivé à un certain point de douleur physique, on perd connaissance ou on tombe en extase ; de même pour les souffrances morales arrivéesà un certain point ; on plane, on s’étonne d’avoir souffert, on méprise tout et on marche la téte haute comme les martyrs. Qu’importe, après tout, que les cinquante ans que j’ai à vivre se passent au fond d’un cachot ou dans un palais, parmi du monde ou dans la solitude ! La fin est la même. Les sensations enfermées entre le commencement et la fin et qui ne laissent aucune trace, voilà donc ce qui préoccupe. Qu’importe une chose qui ne dure pas et qui ne laisse pas de trace ! Je puis utiliser ma vie en travaillant, j’aurai du talent ; peut-étre cela laisse-t-il des traces… après la mort. Je n’ai pas travaillé cette semaine, et l’inaction me rend stupide. J’ai relu mon voyage en Russie et cela m’a beaucoup intéressée. En Russie, j’avais lu en partie Mademoiselle de Maupin, et comme cela ne m’avait pas plu, je viens de la relire. Car enfin Théophile Gautier est reconnu pour un énorme talent et Mademoiselle de Maupin pour un chefd’œuvre, surtout la préface. Je l’ai donc relue aujourd’hui. La préface est très bien, c’est vrai ; mais le livre ?… Malgré toutes…ses nudités, le livre n’est pas amusant, certaines pages en sont simplement ennuyeuses. J’entends des gens qui crient… et la langue et le style ? etc. Eh ! pardieu ! oui, c’est en bon français, c’est d’un homme fort dans son métier, mais ce n’est pas un talent sympathique… Plus tard peut-être je comprendrai pourquoi c’est un chef-d’euvre, je veux Samedi 9. octobre.

— M. B. — II.

19