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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

écouter ses avis, bien que je préfère souvent une seule figure à cinq ou six tableaux de trente personnes chacun.

En somme, ce Cot a l’air bon enfant, son début me touche. Il a bien quarante-sept ans, il n’a ni ventre, ni cheveux et il a causé assez gentiment dans l’atelier du 51. Nous l’avions eu tout neuf et là-bas il s’est dégourdi.

La figure la moins intéressanle du monde peut le devenir avec certains arrangements. J’ai vu des têtes de modèles les plus banales devenir superbes, grâce à un chapeau, à un béret ou à une draperie ; tout cela pour vous dire modestement que, tous les soirs, en rentrant de l’atelier, sale et fatiguée, je me lave, passe un vétement blanc et me drape sur la tête un fichu de mousseline de l’Inde à dentelles, comme les vieilles de Chardin et les petites filles de Greuze ; cela me fait une tête ravissante dont on ne me croirait pas capable… Ce soir, le fichu un peu grand s’est drapé à l’Égyptienne, et je ne sais comment, ma figure est devenue superbe. En général, ce mot semble jurer avec mon visage, mais la draperie a fait le miracle. Cela me rend gaie. C’est une habitude à présent ; rester le soir, tête découverte me gêne et « mes tristes pensées » se plaisent à être abritées ; je me crois plus chez moi, plus tranquille. Jeudi

20 janvier. J’ai été chez Tony lui montrer mon esquisse qu’il trouve très bien arrangée ; il me donne de bons conseils, une foule d’encouragements, et sa bénédiction pour comParlons de choses agréables.

mencer dès demain, — Vous n’ayez jamais fait de tableau ? dit-il. Jamais.

ane