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JOURNAL

visitons les magasins pour Monsieur, puis au Bois et un instant chez les Karageorgevitch. Il vient sans doute chercher maman, mais je ne sais encore rien, nous sommes trop en l’air. Mercredi 6 avril. — Je suis retenue jusqu’à neuf heu res par le père, qui insiste pour que je n’aille pas travailler ; mais mon lorse m’intéresse trop et je ne revois l’auguste famille qu’à diner ; après quoi, ils s’en vont au théâlre et je reste seule. Mon père ne comprend pas du tout qu’on puisse être artiste et que cela puisse rapporter de la gloire. Je crois par moment qu’il fait exprès d’avoir de pareilles idées.

J’ai porté le portrait de B. à Tony ; Samedi 23 avril.il

trouve d’abord que c’est très bien arrangé ; puis, après divers conseils, il dit que c’est étonnamment bien pour quelqu’un qui n’a pas plus travaillé que moi. Oui, c’est étonnamment bien, et si vous continuez à travailler comme… Mais je l’interromps en m’écriant que je vais travail ler encore plus, autant que je pourrai et plus. Je suis enchantée, c’est étonnamment bien ! à la bonne heure ! Je ne fais donc pas des progrès estimables seulement. Ah ! je respire ! Je m’étais déjà classée dans les élèves honorables… Ah ! nom d’un chien, quelle chance !

Le portrait est joli. B. est habillée d’une robe de batiste blanche ouverte et froncée, des manches courtes, bouffantes, un ruban rose autour de la taille, sous les seins, un clhâle jaune-paille autour d’elle et couvrant les bras, la main gauche tient une rose avec abandon… La tête est de face, toute droite, moitié ombre