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JOURNAL

que j’ai aussi pleuré quand il s’agissait de la quitter. Elle croit que je nel’aime pas du tout, et quand je pense à la vie toute de sacrifice de cette héroïque créature, je fonds en larmes : elle n’a mėme pas la consolation d’ètre aimée comme une bonne tante !… pourtant je n’aime personne davantage… Enfin, je suis à Berlin, ma famille et Gabriel à la gare ; nous dinons ensemble. Ce qui est le comble de l’horrible, ce sont mes oreilles. Je suis frappée là d’une façon épouvantable… ; avec ma nature, c’est ce qui pouvait arriver de plus cruel… Ainsi je crains tout ce que je désirais et c’est une situation affreuse. Maintenant que j’ai plus d’expérience, que je vais commencer peut-être à avoir du talent, que je sais mieux comment me tirer d’affaires…, il me semble que le monde serait à noi, si je pouvais entendre comme avant. Et dans ma maladie cela arrive une fois sur mille à peine, à ce que me disent tous les médecins que j’ai consultés. « Rassurez-vous, vous ne deviendrez pas sourde à cause de votre larynx, ça arrive très rarement !  ! » Et justement c’est mon cas… Vous ne vous figurez pas tout ce qu’il faut de dissimulation, de tension continuelle pour tâcher de cacher cette infirmité odieuse ; j’y parviens avec ceux qui m’ont connue avant et qui me voient peu ; mais à l’atelier, par exemple, on sait ! Et ce que ça enlève d’intelligence ! Comment étre vive. ou spirituelle ? Ah ! tout est fini.

FASKORR (après Kieff). Jeudi 26 mai.-J’avais besoin de ce grand voyage ; la plaine, la plaine, la plaine partout. C’est très beau, je suis folle des steppes… comme nouveauté… C’est presque l’infini… ; quand il y a des forêts ou des villages, ce n’est plus ça. Ce qui cbarme,