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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

c’est l’air avenant, aimable de tous les employés, jusqu’aux faquins, sitôt qu’on entre en Russie ; les gens de la douane causent comme s’ils vous connaissaient, Mais j’ai déjà quatre-vingt-six heures de wagon et il m’en reste trente à faire. C’est vertigineux ces distances

!

GAVRONZY. Dimanche 29 mai. sommes arrivés à Poltava. Je comptais beaucoup sur les joies de l’accueil qu’on nous ferait, un bon souper chaud, etc.

Paul et Alexandre sont venus seuls à notre rencontre Hier, à la nuit, nous et on n’avait même pas retenu de chambre à l’hôlel, croyant que nous irions droit à la campagne. Horrible ! Paul est devenu affreusement gros. Ce matin sont venus Kapitanenko, Wolkovisky, etc. Un nouveau aussi, Lihopoy, assez bien et comme il faut. Mon père est très heureux, mais un peu confus de voir le triste effet que me fait ce pays après cinq ans d’absence. Je ne cherche pas à dissimuler, et, familia-. risée avec mon père, je ne le flatte pas. Il fait froid, une boue abominable, des juifs… Et tout ça en état de siège, et il court des bruits sinistres : Pauvre pays !

Arrivée à la campagne… Les champs inondés encore par la rivière, des flaques d’eau partout, de la boue, de la verdure toute fraîche, des lilas en fleurs ; mais c’est une vallée, j’ai l’idée qu’elle sera humide. Jolie façon de se soigner ! C’est d’une tristesse mortelle. J’ouvre le piano et improvise quelque chose de funèbre. Coco pousse des hurlements plaintifs. Je me sens triste à pleurer et forme le projet de repartir demain… On sert un potage qui sent l’oignon ; je quitte la salle M. B. — II.

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