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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Du reste, il est connu qu’ils sont riches comme les • Rothschild.

Pierre le Grand et Nicolas leur ont emprunté dix millions de roubles qu’ils n’ont jamais rendus ; et c’est bien fait. Encore vos moines à vous donnent aux pauvres ; ceux d’ici, jamais rien à personne. Et on ne s’imagine pas ce que les pèlerins apportent d’argent, en supposant que chaque pèlerin ne donne qu’un sou par jour. Et les messes que l’on fait dire et les cierges ! Il s’en consomme des quantités prodigieuses. Et les images et les médailles bénites qu’on vend ! La grande curiosité ce sont les catacombes, des souterrains très étroits et très bas, humides, noirs naturellement. Chacun s’y rend muni d’un cierge allumé. On est conduit par un moine qui vous fait rapidement voir les cercueils ouverts contenant les corps des saints, les corps non corrompus, désséchés, et c’est là le miracle, dit-on. Maman a prié avec une ferveur sans égale ; je suis bien sûre que Dina et papa ont tous prié pour moi. Mais le miracle ne s’est pas fait. Vous riez ? Eh bien, j’y comptais presque, moi. Je n’attache pas d’importance aux églises, aux reliques, aux messes ; non, mais je comptais sur les prières, sur ma prière. Mais j’y compte encore aujourd’hui ; je ne suis pas entendue, je le serai peut-être un jour. Jene crois qu’en Dieu, mais Dieu est-il le Dieu qui écoute et s’occupe de ces choses-là ? Dieu ne me guérira pas du coup, dans une église ; non, je n’ai rien mérité de pareil, mais il me prendra en pitié et inspirera un docteur qui me fera du bien… ou enfin avec le temps… Seulement, je ne cesserai de le prier.

Maman, elle, croit aux images bénites, aux reliques… Enfin elle a une religion payenne.., comme la plupart des gens pieux et… pas très supérieurs…