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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

de l’esprit, tout cela à travers un brouillard, et si je m’y risque, je risque aussi de me couvrir de ridicule ou de passer pour sotte ou médiocre. Tout ce que je dois affecter de brusqueries, de singularités, d’absences, pour cacher à l’unique Saint-Amand que je n’entends pas bien ! C’est à décourager quarante chevaux. Comme il est possible d’avouer qu’on est sourde, quand. on est jeune, élégante et qu’on prétend à tout ! Gomme il est possible de solliciter l’indulgence, la pitié, dans ces conditions-là ! Du reste, à quoi bon tout ? La tête se fend, on ne sait plus où l’on en est ! Oh ! non, il n’y a pas de Dieu tel que je l’avais imaginé. Il y a un Être suprême, il y a la Nature, il y a, il y a…, mais il n’y a pas le Dieu quej’ai l’habitude de prier tous les jours. Qu’il ne m’accorde rien, passe, mais m’assassiner de la sorte ! Mais me rendre plus malheureuse, plus dépendante de tous, que le premier mendiant venu ! Et qu’aije fait ? Je ne suis pas une sainte, je ne passe pas ma vie à l’église, ne fais pas maigre ; mais vous savez ma vie, sauf des irrévérences constantes envers ma famille qui ne le mérite pas, je n’ai rien à me reprocher. A quoi sert prier tous les soirs et demander pardon d’être forcée par les circonstances à dire des duretés aux miens ? Car si j’ai tort vis-à-vis de maman, vous savez bien que c’est pour la forcer à agir. Enfin, me voilà horriblement frappée, et frappée avec la cruauté la plus raffinée. Enfin Dieu, non, le Dieu que je croyais connaitre n’existe pas, ça n’est pas possible ! Mais alors ? Oh ! non, il nous faut un Dieu, pour reporter à quelqu’un le bien et le mal.

Vous croyez peut être que j’ai décidé quelque chose ! Je ne puis rien faire ! J’ai la Vendredi 12 août. 1. B. — II.

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