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JOURNAL

certitude affreuse de mon incapacité ! Voilà plus d’un mois, en comptant le temps perdu en voyage, que je ne fais rien ! Je ne puis même m’imaginer que je travaille ; je suis horrifiée d’avance des choses sans talent, sèches et froides que je vais produire. C’est odieux ; je ne puis rien faire !

Et tout s’en méle. Je renonce au tableau et me dé. cide à peindre Olstnitz, mais elle part dans deux jours. Alors je vais chercher un modèle que je ne trouve pas. Puis je cours chez Julia ; elle ne peut poser qu’à partir de lundi. Je me retourne vers la petite du concierge, mais elle a encore trois jours de classe. Enfin !… Alors je m’en vais voir Amanda, qui travaille dans la cour de sa maison, å Issy ! Ca me fait du bien, encore qu’elle ne soit pas assez artiste pour que je sois vraiment remontée, c’est égal, ça vivifie… Je rentre résolue à faire ce sacré tableau. Samedi 13 août. — Eh bien, j’y travaille deux heures, pas même, et puis va te promener ! Qui sait ? Ça aurait peut-ėtre été très bien. Alors je me décide et aussitot de me dire : C’est prétentieux et ça ne dit rien. En effet, je n’aime pas mes modèles. Et puis je vois la toile exposée sur le boulevard, juste après les élęctions. Et puis c’est un sujet si peu féminin. Enfin, qui sait ? en m’appliquant peut-être ? Voilà le peut-étre qui me rend folle. L’opinion de Julian, mais Julian s’est trompé pour Zilhardt cette année ; il avait prédit du bien et il en est résulté une horreur. Je vais m’en remeltre au sort, mais si le sort ne dit pas comme moi… et comment dis-je ? C’est une maladie, ma parole. J’ai absolument besoin d’Alexis pour le tableau et je ne sais pas quand il reviendra, et je n’ai plus que dix-huit jours !