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JOURNAL

J’ai visité mes cartons où l’on peut suivre pas à pas mes progrės. De temps en temps, je me disais bien que Breslau peignait avant que je ne dessine… mais vous me direz que ćette fille est donc le monde entier pour moi ? Je ne sais, mais ce n’est pas un petit sentiment qui me fait craindre cette rivalité. Dès les premiers jours, et quoique les hommes et les camarades eussent dit, j’ai deviné son talent ; vous voyez que j’ai raison. La seule pensée de cette fille me trouble ; un trait d’elle sur un de mes dessins m’a donné un coup au cœur ; c’est que je sens une force devant aquelle je me brise. Elle se comparait toujours à moi. Figurez-vous que les nullités de l’atelier ont toujours dit qu’elle ne peindrait jamais ; leur, sa peinture ne se tient pas, elle n’a que le desJOURNAL « 

elle n’a pas la cousin. » Justement

ce qu’on dit de moi… Ce devrait être une consolation, c’est la seule que j’aie, en effet !

En 1876 (février) elle avait déjà la médaille pour un dessin. Elle avait commencé au mois de juin 1875, ayant déjà travaillé pendant deux ans en Suisse. Pendant deux ans, je l’ai vue se débattre contre les plus éclatants insuccès en peinture ; puis c’est venu peu à peu et en 1879 elle a exposé, d’après le conseil de Tony. Il y avait six mois que je peignais à cette époque. Il y aura trois ans que je peins, dans un mois. Maintenant, la question est de savoir si je suis capable de faire quelque chose comme son exposition de 1879 ? Julian dit que celle de 1879 valait mieux que celle de 1881 ; seulement, comme ils étaient en guerre, il n’a pas poussé au succès, tout en demeurant neutre. Son envoi de l’année passée a été placé, comme le mien, dans la morgue, id est galerie extérieure. Maintenant, cette année, elle se raccommode avec