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JOURNAL

d’hommes se rangeant et se découvrant avec une rapidité qui ressemblait à de la peur, devant les galons et les båtons des gardiens. On les bat, à ce que m’a dit le guide.

Désarmés, enfermés, contraints au travail comme des enfants, ces hommes ne m’inspirent que de la pitié, au lieu de me faire penser aux crimes et méfaits qui les rassemblent là. Je dirai plus, c’est presque de l’attendrissement, un attendrissement singulier qu’on ressent en face de celte horde de misérables qui saluent d’un air și humble, qui semblent travailler avec tant de zèle, et nous montrent les cahiers où ils apprennent à lire, et cela avec des airs craintifs, enfantins.

Oui, on les bat, cela se voit ; ils ont l’air de ces pauvres chiens de la rue qui se couchent tout résignés à recevoir les coups. Mais quelles têtes ! Je voudrais bien faire un tableau, là… J’ai la permission et si je trouve quelque coin de trois ou quatre personnages… Malheureusement, cela vous entraîne à un trop grand tableau… Je recommande cette sombre visite, avant de voir le Généralife dont les jardins sont une succursale du paradis, bien certainement. Ah ! comment vous décrire ces enchevêtrements de lauriers roses, d’orangers, de plantes les plus riches et les plus exquises ; lées de cyprès, de murailles arabes lézardées et couronnées de roses ?… Des ruisseaux entre des parterres de violettes. Allez au bagne, puis au Généralife. A demain l’Alhambra et la tête d’un forçat que je vais peindre.

— ces alVendredi 28 octobre. — Donc, j’ai passé ma journée dans les prisons de Grenade. Les prisonniers jouissent