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JOURNAL

cuivres et l’homme la regarde faire, debout, les mains dans les poches et fumant un cigare. Les femmes seront vêtues de leurs robes de perse ordinaire que j’achèterai sur nature à Madrid. Et j’ai presque tous les chiffons nécessaires ; reste l’estrade à instaler, ce qui coûtera une centaine de francs. Mais il faut trouver un atelier assez grand… Enfin, je pars ce soir et je ne puis m’empêcher de chanter de joie. Mon voyage en Espagne m’aura servi à m’ôter l’habitude de manger pour manger, ce qui prend du temps et alourdit l’intelligence ; je suis devenue d’une sobriété arabe et ne prends que le strict nécessaire, juste assez pour vivre.

Le beau-fils du chef Gitane chez qui j’ai travaillé sortait des galères, où il a passé quatre ans pour avoir… enlevé une petite fille de treize ans. Mercredi 2 novembre. — Nous revoilà à Madrid où je me fais fête, depuis une semaine, de rester trois jours pour refaire yne esquisse de Lorenzo. En ne m’entendant parler que de cela et en voyant mon impatience de revenir à Madrid, il est tout naturel, n’est-ce pas, que ma tante, tout habillée, vienne me dire : « Elh bien, nous allons passer le jour à faire nos achats ? » Et commeje réponds que je vais peindre, elle a l’air absolument étonnée et me dit que je suis folle.

Une idée vous vient, vous croyez tenir un sujet ; làdessus on s’emballe,

esquisse, on est tout entier à son travail, on se creuse la tête pour trouver des arrangements harmonieux et, au moment où on pressent quelque idée encore très vague qui peut s’envoler sans qu’on la saisisse…, arrive cette chère famille qui m’aime tant et qui est si inrêve prend corps, on fait une