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JOURNAL

Je ne dis pas que papa soit embétant, au contraire il me ressemble un peu d’esprit comme de corps (c’est un éloge) ; mais cet homme-là ne me comprendra jamais.

Imaginez-vous qu’il a le projet de nous emmener à la campagne pour Pâques ! Non ! C’est trop fort, et l’indélicatesse est trop grande : avec ma santé, parler de me mener en Russie en février ou mars !  !  ! Je vous laisse apprécier. Passons ! Sans compter tout le reste !  !  ! Ah nonl moi qui refuse d’aller dans le Midi ! Non, ncn, non. N’en parlons plus décidément.

Dimanche 18 décembre. Après des plaintes à

Julian en téte-à-tête, où il tåche de me consoler en me conseillant de faire tous les jours des esquisses sur les choses qui me frappent. Et que voulez-vous qu’on trouve dans le milieu où je vis ? Breslau est pauvre, mais elle vit dans une sphère éminemment artistique. La meilleure amie de María est musicienne ; Scheppi est originale, quoique commune, et il y a en plus Sara Purser, peintre et philosophe, avec laquelle on a des discussions sur le Kantisme, sur la vie, sur le mai et sur la mort qui font réfléchir et qui gravent dans l’esprit ce qu’on a lu ou entendu ; tout, jusqu’au quartier qu’elle habite : Les Ternes. Mon quartier à moi, si propre, si uniforme où l’on ne voit ni une pauvresse, ni un arbre non taillé, ni une rue tortueuse. Bref, je me plains contre la fortune

?… Non, mais je constate que l’aisance empéche

le développement artistique et que le milieu dans lequel on vit est la moitié de l’homme. Ce qui me frappe ?

Mercredi 21 décembre. Aujourd’hui, je suis