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JOURNAL

m’a gâtée. Breslau obtient de beaux résultats, mais très laborieusement ; moi, lorsque cela ne vient pas tout de suite et tout seul, je reste stupide. Il faut vaincre cela. Ainsi pour les esquisses, les compositions au fusain, j’ai essayé de me forcer à pousser cela jusqu’à la netteté voulue, et j’ai réussi à faire des choses dont je me croyais incapable, et que je croyais que les autres faisaient avec des trucs et presque des sortilèges, tellement on accorde difficilement aux autres les facultès qu’on n’a pas.

Si je pouvais continuer à travailler comme ces joursci, je serais bien heureuse ! Il ne s’agit pas seulement de travailler comme une machine ; mais être occupé tout le temps et penser à ce qu’on fait, c’est le bonheur. Aucune préoccupation n’y résiste. Et moi qui me plains si souvent, je viens rendre grâce à Dieu de ces trois jours, tout en tremblant que ça ne dure pas. Tout change d’aspect alors, les petites misères ne tracassent presque plus ; on est au-dessus de cela, avec quelque chose de radieux dans son être : une divine indulgence envers la vile multitude qui ignore les causes secrètes, changeantes, ondoyantes et diverses de votre béatitude plus fragile que la plus fragile des fleurs.

Mardi 14 février. Ahl que nous autres qui avons lu Balzac, et qui lisons Zola, nous avons de jouissances d’observation !

Mercredi 15 février. yeux s’ouvrent ; avant, je ne voyais que le dessin et le sujet des tableaux ; à présent…ah ! à présent si je faisais comme je vois, j’aurais du talent. Je vois le paysage, C’est petit à petit que les