Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/358

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
353
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

je vois et j’aime le paysage, l’eau, l’air, la couleur, la couleur !

Dimanche 19 février. ments ! Je lutte contre la paresse et contre ce terrible ce sera mauvais qui m’empêche de rien faire. des remords cuisants pour chaque heure perdue… Et pourquoi ne fais-tu pas des croquis, et ceci, et cela ? Et quand je vois les dessins de la Vie moderne, je deviens rouge et pâle, et je voudrais du premier coup faire comme ces gens qui en font depuis dix ans, ne comprenant pas qu’il faut en faire toujours et encore, et de mauvais, et continuellement, pour en faire de bons ensuite. Ah ! quel terrible et dangereux moment lorsqu’on sort du travail réglé et mécanique de l’atelier, et qu’on sent la nécessité de s’assouplir, se morceler pour ainsi dire, faire de tout ; être livré à soimême, comprendre ce qu’il faudrait, savoir ce qui manque. Avoir conscience de son état ! C’est bon signe, mais c’est diablement tourmentant… Voilà plusieurs mois déjà que cela dure et cette lutte de tous les instants serait abominable si on n’avait un Si vous saviez quels tourEt j’ai

vague espoir que cela mène peut-être vers quelque belle série de mois de travail fécond, calme, réfléchi, qui vous ouvrira des horizons nouveaux, et puis… Je me rappelle il y a deux ou trois ans… L’heureuse Breslau a passé par les mêmes tourments que moi ; pendant des mois entiers, elle ne pouvait sortir de rien et je lui ai vu des samedis borribles, de la sculpture par désespoir… prête à faire

Lundi 27 février. crevé ma toile. Les gamins ne posaient pas ; mettant ces insuccès sur le compte de mon incapacité je reAprès mille tiraillements, j’ai M. B. — u.

30.