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JOURNAL

souffert d’y avoir été en famille ! 0 poésie ! o pein ture ! ô Espagne ! Ah ! que la vie est courte ! Ah ! que l’on est malheureux de vivre si peu ! Car habiter Paris n’est que le point de départ de tout. Mais faire de cès sublimes voyages, voyages de délicats, d’artistes ! Six mois en Espagne, en Italie ! Italie, terre sacrée, Rome divine, incomparable ! j’en perds la tête. Ah ! que les femmes sont à plaindre, les hommes sont libres au moins. L’indépendance absolue dans la vie ordinaire, la liberté d’aller et venir, sortir, diner au cabaret ou chez soi, aller à pied au Bois ou au café ; cette liberté-là est la moitié du talent et les trois quarts du bonheur ordinaire. Mais, direz-vous, femme supérieure que vous étes, octroyez-vous-la, cette liberté ! C’est impossible, car la femme qui s’émancipe ainsi, la femme jeune et jolie s’entend, est presque mise à l’index ; elle devient singulière, remarquée, blâmée, toquée et, par conséquent, encore moins libre qu’en ne choquant point les usages idiots. Donc, il n’y a qu’à déplorer mon sexe, et à revenir aux réves d’Italie et d’Espagne. Grenade ! Arbres géants, ciel pur, ruisseaux, lauriers-roses, soleil, ombre, paix, calme, harmonie, poésie ! Mercredi 21 juin.

donné la toile pour ne pas la voir ! cela tue. Opeinture, je n’y arrive pas. Mais sitôt qu’on a anéanti ce qu’on a fini, on se sent soulagé, libre et prête à recommencer. L’atelier où je travaille est prėté à Mle Loshooths par un Américain nommé Chadwick, qui est venu aujourd’hui et nous lui rendons son temple. Tout est gratté et j’ai même Jeudi 22 juin.— Cet hôtel m’a plu à un tel point que