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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

j’en étais folle et, comme on avait déjà arrêté un appartement, j’étais affolée de ne pouvoir louer l’hôtel, 30, rue Ampère, qui m’a paru comme une espèce de bonheur complet.

Tout un étage à moi, avec atelier, balcon. Ces dames au premier, en bas les salons. Un jardin, peindre dehors sans sortir. Enfin c’était trop beau, ça n’arriverait pas. J’étais prête à payer 5, 000 francs de dédit au propriétaire de l’appartement. Eh bien ! c’est fait et sans dédit ; nous pouvons avoir l’hôtel et me voilà tout à fait refroidie. Je trouve que c’est loin, que l’atelier n’est pas si grand, que c’est cher et je suis désolée, mais là désolée de quitter les Champs-Élysées. Notez qu’en les habitant, je n’avais qu’un réve, l’avenue de Villiers et les voisinages artistiques, et de connaître des artistes. A présent, cette partie de mes rêves est réalisée. Eh bien ! me voilà tracassée de l’idée que si j’ai des médailles, je les devrai à des amis. Et puis, ceci encore : J’ai trépigné parce que je n’avais personne à qui montrer des dessins, des.peintures, enfin, disons le mot, parce que mon talent était ignoré des artistes ; à présent il y a les artistes, mais il n’y a plus rien à leur faire voir. Ce soir à cinq heures, nous sommes allées voir les esquisses de Bastien-Lepage qui est à Londres, mais son frère Emile nous a fait les honneurs de l’atelier. J’avais amené Brisebane et L…, ce qui fait que nous avons passé une heure charmante, riant, causant, faisant des croquis, et tout cela si convenable, si bien. Si j’avais entendu tout cela de Breslau, je serais là à me lamenter et à envier son milieu. Eh bien ! j’ai ce que je voulais, cela me donne-t-il du talent ?

Vendredi 23 juin. A cinq heures, L…, Dina et |