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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

J'ai relu un livre de Ouida, une femme de pas trop de talent; cela s'appelle Adriane, c'est en anglais. Un livre qui est fait pour émouvoir au suprême degré ; j'ai été sur le point de le relire vingt fois depuis trois ou quatre ans, et j'ai toujours reculé, sachant quelle agitation il m'a causée et devait me causer encore. Il s'agit d'art et d'amour, et cela se passe à Rome : Trois

choses réunies, dont une seule suffit pour me passionner, et l'amour en est la oindre. On Oterait l'amour du livre qu'il resterait bien assez pour m'affoler. J'ai pour Rome une adoration, une vénération, une passion que rien n'égale. Car la Rome des artistes et des poètes, la vraie, n'a pas même été atteinte chez mọi par la Rome mondaine qui m'a fait souffrir. Je ne me rappelle que la Rome poétique et artistique, et cellelà me met à genoux.

Il s'agit de sculpture dans le livre; je suis toujours sur le point d'en faire : hier soir je ne pouvais pas dormir !

O divine puissance de l'art.! o sentiment céleste et incomparable qui vous tient lieu de tout ! 6 suprėme jouissance qui vous élève au-dessus de la terre ! C'est la poitrine oppressée et les yeux mouillés de larmes, que je me prosterne devant Dieu pour qu'il m'accorde sa protection.

C'est à devenir folle; je veux faire dix choses à la fois; je sens, je crois, je crois, entendez-vous, que je vais faire quelque chose de bien. Et mon åme s'envole vers des hauteurs inconnues. Pourvu que ce ne soit pas, pour retomber plus bas... Ces retours sont terribles, mais il faut de tout dans la vie... Les jours d'abatlement suivent les heures d'exaltation; on souffre pendantles deux... Pourtant, je ne suis pas assez poseuse pour dire qu'on souffre également. H. B. --. II.

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