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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dimanche 9 décembre. —Le Docteur Charcot sort d’ici ; j’ai assisté à la consultation et à ce que se sont dit ensuite les médecins, puisque je suis la seule calme et qu’on me traite comme un troisième médecin. En tout cas, pas de catastrophe pour le moment. Pauvre grand-papa, j’aurais été désolée s’il était mort tout de suite, parce que nous nous sommes souvent querellés ; mais comme sa maladie se prolonge, j’ai le temps de racheter mes vivacités. Je suis restée dans sa chambre au moment où il allait le plus mal… D’ailleurs, mon apparition auprès des malades est toujours un signe d’urgence, parce que je déteste les empressements iņutiles, et ne parais troublée que lorsque je me le permets.

Vous voyez comme à chaque occasion je fais ma louange.

J’ai vu la nouvelle lune de l’eil gauche, cela me contrarie.

Ne pensez pas de grâce que j’aie été brutale avec grand-papa, je l’ai seulement traité en égal ; mais comme il est malade, bien malade, je le regrette et voudrais ayoir tout enduré sans rien dire. Nous ne le quittons pas, il appelle tout de suite celui qui n’est pas là. Georges est auprès de lui, Dina est toujours près du lit, cela va sans dire ; maman est malade d’inquiétude, Walitsky, le cher Walitsky court et soigne et grogne et console. J’ai ditque j’aurais voulu tout endurer sans rien dire ; j’ai l’air d’une malheureuse qu’on maltraitait ; il n’y avait rien à endurer, mais je suis agacée et agaçante, et comme grand-papa l’était aussi, je m’impatientais et répondais vivement et quelquefois j’avais tort. Je ne veux pas me poser pour un ange qui se cache sous une enyeloppe de méchanceté.