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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Michka et Lihopay, et nous allons au théàtre. Une pièce qui confirme encore davantage mes idées sur le théâtre rus… Le théatre et les romans sont toujours plus ou moins un reflet de la vie réelle ; eh bien, je ne fais pas mes compliments à mon pays. C’est d’une grossièreté naïve et dépravée en méme temps… On s’embrasse sur les lèvres, comme si c’était tout simple, et ça se passe entre amants ou femme et mari… puis on s’embrasse sur le cou, sur les joues, etc., et le public ne dit rien, ça leur parait simple. Et des situations qu’on aurait huées… Des demoiselles du monde, les jeunes filles sympathiques de la pièce, donnent des soufflets à des jeunes gens qui leur font des déclarations et qu’elles soupçonnent n’aimer que leur dot. Enfin… si tout ça se passait dans le monde des cocottes ou dans des royaumes de fantaisie, ou l’antiquité d’Offenbach, et avec accompagnement de toutes les gaietés, de toutes les folies d’usage…, passe ; mais on nous montre des bourgeois,. des propriétaires, des gens comme vous et moi, et c’est sérieux… On ne sait qu’en dire. Ce soir, c’est une petite sauvage, une ingénue qui adore un homme aussi marié que mûr, corrompu et spirituel (dans la pièce) ; chaque fois qu’ils se trouvent seuls, et cela arrive à chaque instant, ils s’embrassent à bouche que veux-tu, l’ingénue sans se douter de rien et lui par plaisir ; puis le soir, il arrive un moment où le monsieur recule, et l’ingénue lui dit : « Pourquoi me fuis-tu ? à quoi penses-tu ? je suis un être vivant en somme, mon sang bout, etc., etc. » Enfin… elle va passer une nuit chez un jeune homme qui l’aime, et revient dire au vieux et à son épouse (car il a une épouse jeune et jolie) que c’est lui, le vieux séducteur, qui est cause de tout ; car il lui a troublé les