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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

deux diamants ; mes mères les ont achetés pour moi et j’avais seulement dit, sans le moindre espoir de les avoir : « Voilà les seules pierres qu’on aurait envie d’avoir. » Ça vaut vingt-cinq mille francs ; les pierres sont jaunes, sans cela elles coûteraient le triple. Je m’en suis amusée toute la soirée, les tenant dans ma poche, pendant que jè modelais, que Dusautoy jouait du piano, et que Bojidar et les autres causaient. Ces deux pierres ont passé la nuit près de mon lit et je ne m’en suis pas séparée pendant la séance. Ah ! si d’autres choses qui paraissent aussi impossibles pouvaient arriver aussi !… Quand mėme elles seraient jaunes et ne coûteraient que quatre mille au lieu de vingt-cinq mille ! Mais enfin ce grand chagrin est absurde ; je ne puis m’en plaindre à personne ! Jeudi 7 décembre.

Nous avons un instant causé avec Julian, mais plus de ces longues causeries !… Il n’y a pas d’aliment, tout a été, dit ; nous attendons que je travaille et produise. Pourtant je lui reproche son injustice, ou plutôt la façon dont il s’y prend pour me faire marcher.

Mon pastel ira dans un cercie, puis au Salon : —-— C’est une chose de premier ordre, dit le père Julian, et j’ai envie de lui sauter au cou. Eh bien, il faut faire un tableau qui arréte les artistes.

Et ce n’est pas encore à présent que je le ferai. Ah ! Seigneur, si je pouvais croire qu’en travaillant, j’y arriverai ! Ça me donnerait du courage. Mais il me semble à présent que je ne pourrai jamais. Je travaille mal, je sais, oui, c’est vrai ; depuis Irma, j’ai pataugé dans la pluie avec le père Charles, et puis