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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞHKIRTSEFF. 417

D’abord on est ébloui par la variété et la toutepuissance de ce talent qui dédaigne la spécialité et fait tout supérieurement.

Son gamin anglais est une fois au-dessus de ces deux filles ; quant au gamin de l’année dernière intitulé Pas-mèche, c’était simplement un chef-d’euvre. Dimanche 17 décembre. — Le vrai, le seul, l’unique, le grand Bastien-Lepage vient aujourd’hui. Je l’ai reçu affolée, maladroite et confuse, énervée et humiliée de n’avoir rien à lui montrer. Ii reste plus de deux heures, après avoir regardé toutes les toiles dans tous les coins ; seulement, je l’empêchais de voir, nerveuse et riant de travers. Ce grand artiste est très bon ; il essaye de me calmer, et on parle de Julian, qui est l’auteur de cet immense découragement. Bastien ne me traite pas en fille du monde ; il dit comme Tony Robert-Fleury, comme Julian, seulement sans ces horribles plaisanteries de Julian qui dit que c’est fini, que je ne ferai plus rien, que je suis perdue. Voilà ce qui m’affole. Bastien est adorable, c’est-à-dire j’adore son talent. Et je crois avoir trouvé, grâce à mon trouble, des flatteries délicates et imprévues ; la façon dont je l’ai reçu était déjà une bien grosse flatterie. Il fait un croquis dans l’album de miss Richards, qui me l’avait confié pour que j’y dessine quelque chose. Et comme l’euvre passait à travers la feuille et salissait la suivante, il voulut mettre un morceau de papier entre : Laissez, laissez, ça lui en fera deux. —Je ne sais pas pourquoi je fais le bonheur de Richards, quelquefois ça m’amuse de faire un grand plaisir à qui ne s’y attend pas et qui est pour moi un passant. Quand je peignais à la Grande-Jatte, un jour est